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L'herbe est molle au sommeil sous les frais peupliers,
Aux pentes des sources moussues
Qui dans les prés en fleurs germant par mille issues,
Se perdent sous les noirs halliers.

Repose ô Phidylé,

Midi sur les feuillages
Rayonne, et t'invite au sommeil,
Par le trèfle et le thym, seules en plein soleil,
Chantent les abeilles volages ;

Un chaud parfum circule au détour des sentiers,
La rouge fleur des blés s'incline,
Et les oiseaux, rasant de l'aile la colline,
Cherchent l'ombre des églantiers.

Repose ô Phidylé,

Mais quand l'Astre incliné sur sa courbe éclatante,
Verra ses ardeurs s'apaiser,
Que ton plus beau sourire et ton meilleur baiser
Me récompensent, me récompensent de l'attente.

Leconte de Lisle - "Phidylé"

 

Quand les blonds épis mûrs ondoyant dans la plaine
S'inclinent accablés sous le grand ciel dormant
Et semblent annoncer qu'elle n'est plus lointaine
L'heure où ruisselleront les flots d'or du froment,
Comme des condamnés, offrant leur tête pleine
De l'espoir des hivers, un seul enchantement
Les berce dans l'oubli de la moisson prochaine.

Le blé qui va mourir écoute vaguement
La cigale entonnant ses notes frémissantes.
Voici les moissonneurs ! Leurs faucilles grinçantes
Abattant les épis découronnent l'été
Et fidèle au destin des blés, triste, muette,
La cigale s'endort, comme meurt un poète,
Lasse d'avoir vécu, fière d'avoir chanté !

Maurice Faure - "La mort de la cigale"

 

L'homme, a pour payer sa ronçon,
Deux champs au tuf profond et riche,
Qu'il faut qu'il remue et défriche
Avec le fer de sa raison ;
Pour obtenir la moindre rose,
Pour extorquer quelques épis,
Des pleurs salées de son front gris
Sans cesse il faut qu'il les arrose.

L'un est l'art et l'autre l'amour.
Pour rendre le juge propice,
Lorsque de la stricte justice
Paraîtra le terrible jour,
Il faudra lui montrer des granges
Pleines de moissons, et des fleurs
Dont les formes et les couleurs
Gagnent le suffrage des anges.

Charles Baudelaire - "La rançon"