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Quand les blonds épis mûrs ondoyant dans la plaine
S'inclinent accablés sous le grand ciel dormant
Et semblent annoncer qu'elle n'est plus lointaine
L'heure où ruisselleront les flots d'or du froment,
Comme des condamnés, offrant leur tête pleine
De l'espoir des hivers, un seul enchantement
Les berce dans l'oubli de la moisson prochaine.
Le blé qui va mourir écoute vaguement
La cigale entonnant ses notes frémissantes.
Voici les moissonneurs ! Leurs faucilles grinçantes
Abattant les épis découronnent l'été
Et fidèle au destin des blés, triste, muette,
La cigale s'endort, comme meurt un poète,
Lasse d'avoir vécu, fière d'avoir chanté !
Maurice
Faure - "La mort de la cigale"
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L'homme,
a pour payer sa ronçon,
Deux
champs au tuf profond et riche,
Qu'il
faut qu'il remue et défriche
Avec
le fer de sa raison ;
Pour
obtenir la moindre rose,
Pour
extorquer quelques épis,
Des
pleurs salées de son front
gris
Sans
cesse il faut qu'il les arrose.
L'un
est l'art et l'autre l'amour.
Pour
rendre le juge propice,
Lorsque
de la stricte justice
Paraîtra
le terrible jour,
Il
faudra lui montrer des granges
Pleines
de moissons, et des fleurs
Dont
les formes et les couleurs
Gagnent
le suffrage des anges.
Charles
Baudelaire - "La rançon"
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