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L'espoir luit comme un brin de paille dans l'étable.
Que crains-tu de la guêpe ivre de son vol fou ?
Vois, le soleil toujours poudroie à quelques trous.
Que ne t'endormais-tu, le coude sur la table ?

Pauvre âme pâle, au moins cette eau du puits glacé,
Bois-la. Puis dors après. Allons, tu vois, je reste,
Et je dorloterai les rêves de ta sieste,
Et tu chantonneras comme un enfant bercé.
Midi sonne. De grâce, éloignez-vous, madame.

Il dort. C'est étonnant comme les pas de femme
Résonnent au cerveau des pauvres malheureux.
Midi sonne. J'ai fait arroser dans la chambre.
Va, dors ! L'espoir luit comme un caillou dans un creux.

Ah, quand refleuriront les roses de Septembre !

- Paul Verlaine -





L'hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.

Tu fermeras l'oeil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.

Puis tu te sentiras la joue égratignée...
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou...
Et tu me diras : "Cherche !" en inclinant la tête,
Et nous prendrons du temps à trouver cette bête,
Qui voyage beaucoup...

- Arthur Rimbaud -

Inhumaines, qui sans merci
Vous raillez de notre souci,
Aimez quand on vous aime !

Ingrats, qui ne vous doutez pas
Des rêves éclos sur vos pas
Aimez quand on vous aime !

Sachez, ô cruelles Beautés,
Que les jours d'aimer sont comptés.

Sachez, Amoureux inconstants,
Que le bien d'aimer n'a qu'un temps !

Aimez quand on vous aime !
Un même destin nous poursuit,
Et notre folie est la même.
C'est celle d'aimer qui nous fuit !
C'est celle de fuir qui nous aime !

Armand Silvestre - "Madrigal"





J'aime tes yeux, j'aime ton front,
Ô ma rebelle, ô ma farouche,
J'aime tes yeux, j'aime ta bouche
Où mes baisers s'épuiseront.

J'aime ta voix, j'aime l'étrange
Grâce de tout ce que tu dis,
Ô ma rebelle, ô mon cher ange,
Mon enfer et mon paradis !

J'aime tes yeux, j'aime ton front,
Ô ma rebelle, ô ma farouche,
J'aime tes yeux, j'aime ta bouche
Où mes baisers s'épuiseront.

J'aime tout ce qui te fait belle,
De tes pieds jusqu'à tes cheveux,
Ô toi vers qui monte mes voeux,
Ô ma farouche, ô ma rebelle !

Armand Silvestre - "Chanson d'amour"