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Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble.
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !

Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.

Les soleils couchants
Revêtent les champs
Les canaux, la ville entière
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière !

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté !

 Charles Baudelaire -
"L'invitation au voyage" 
 

 

A mes pas le plus doux chemin
Mène à la porte de ma belle,
Et, bien qu'elle me soit rebelle,
J'y veux encor passer demain.

Il est tout fleuri de jasmin
Au tant de la saison nouvelle,
Et, bien qu'elle me soit rebelle,
J'y passe des fleurs à la main.

Pour toucher son coeur inhumain,
J'y chante ma peine cruelle,
Et, bien qu'elle me soit rebelle,
C'est pour moi le plus doux chemin !

- Armand Silvestre -

 

 

 

Diane, Séléné, lune de beau métal
Qui reflète vers nous, par ta face déserte,
Dans l'immortel ennui du calme sidéral
Le regret d'un soleil dont nous pleurons la perte.

O lune, je t'en veux de ta limpidité,
Injurieuse au trouble vain des pauvres âmes,
Et mon coeur, toujours las et toujours agité,
Aspire vers la paix de ta nocture flamme.

- Jean de la Ville de Mirmont -
"Diane, Séléné"