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Oh ne murmurez pas son nom !
Qu'il dorme dans l'ombre
Où froide et sans honneur
Repose sa dépouille.

Muette, tristes, glacées,
Tombent nos larmes
Comme la rosée de la nuit
Qui sur sa tête humecte le gazon.

Mais la rosée de la nuit,
Bien qu'elle pleure en silence,
Fera briller la verdure sur sa couche.

Et nos larmes, en secret répandues
Conserveront sa mémoire
Fraîche et verte dans nos coeurs.

(d'après Thomas Moore) - "Elégie" 




Ne jamais la voir ni l'entendre
Ne jamais tout haut la nommer,
Mais, fidèle toujours l'attendre,
Toujours l'aimer.

Ouvrir les bras et, las d'attendre,
Sur le néant les refermer,
Mais encore toujours les lui tendre
Toujours l'aimer.

Ah ! Ne pouvoir que les lui tendre,
Et dans les pleurs se consumer,
Mais ces pleurs toujours les répandre,
Toujours l'aimer...

Ne jamais la voir ni l'entendre,
Ne jamais tout haut la nommer,
Mais d'un amour toujours plus tendre,
Toujours l'aimer.

Toujours !

Sully Prudhomme - "Soupir" 

Ainsi qu'une jeune beauté
Silencieuse et solitaire,
Des flancs du nuage argenté
La lune sort avec mystère.
Fille aimable du ciel, à pas lents et sans bruit
Tu glisses dans les airs où brille ta couronne,
Et ton paysage s'environne
Du cortège pompeux des soleils de la nuit.

Que fais-tu loin de nous quand l'aube blanchissante
Efface à nos yeux, à nos yeux attristés
Ton sourire charmant et tes molles clartés ?
Vas-tu, comme Ossian, plaintive gémissante
Dans l'asile de la douleur
Ensevelir ta beauté languissante ?
Fille aimable du ciel, connais-tu le malheur ?

Maintenant revêtu de toute sa lumière,
Ton charme voluptueux roule au-dessus des monts ;
Prolonge s'il se peut le cours de sa carrière
Et verse sur la mer tes paisibles rayons.

(d'après Ossian) - "Le lever de la lune"




Si vous n'avez rien à me dire,
Pourquoi venir auprès de moi ?
Pourquoi me faire ce sourire
Qui tournerait la tête au Roi ?

Si vous n'avez rien à m'apprendre,
Pourquoi me pressez-vous la main ?
Sur le rêve angélique et tendre
Auquel vous songiez en chemin ?

Si vous voulez que je m'en aille,
Pourquoi passez-vous par ici ?
Lorsque je vous vois je tressaille ;
C'est ma joie et c'est mon souci !

- Victor Hugo -