Janácek, Katya Kabanova – Sir Simon Rattle (Chef d’orchestre), Simon O’Neill (Interprète), London Symphony Orchestra (Orchestre)


Prix : 17,99 € • Éva­lua­tion : /5
(Date : Feb 21, 2024 08:34:17 UTC – Details)

Quinze années séparent les deux opé­ras les plus sombres de Janá­cek. Ils forment pra­ti­que­ment un couple, cha­cun détaillant la tra­gé­die d’une jeune femme dont le des­tin est cor­rom­pu par la mora­li­té tor­due d’une per­sonne plus âgée. Cepen­dant, même si Jenu­fa est une pièce poi­gnante qui fait allu­sion à une rédemp­tion glo­bale, ce qui rend Kátya Kaba­nová presque insup­por­table est sa concen­tra­tion médi­co-légale et sans relâche sur l’an­goisse de son héroïne. Avec et un ins­pi­ré ne fai­sant qu’un avec la par­ti­tion, ce pre­mier des deux concerts aurait dû être une nuit sombre de l’âme.

Cela a presque réus­si, et per­sonne n’est res­pon­sable du seul petit défaut qui a maî­tri­sé les émo­tions. Janá­cek, grand dra­ma­turge lyrique qu’il fut, a com­po­sé une par­ti­tion qui crie à être habi­tée et vitale, tant elle est char­gée de contrastes psy­cho­lo­giques. Un concert, aus­si magni­fique soit-il, ne peut pas repro­duire la néces­si­té d’un contexte théâ­tral, et sur la plate-forme du Bar­bi­can Hall, il y a eu des moments où les pas­sions se sont sen­ties syn­thé­ti­sées. La ren­contre décom­plexée de Kátya avec Boris dans l’acte 2 en était une, même la splen­dide Aman­da Majes­ki étant inca­pable de ras­sem­bler les agi­ta­tions spon­ta­nées d’une femme déchi­rée par un amour inter­dit. Lors­qu’elle a chan­té le rôle-titre du Royal Ope­ra en 2019, la mise en scène de Richard Jones lui a arra­ché ce moment des tripes.

Le contre­poids ici était Rat­tle, comme si sou­vent un dra­ma­turge sonore. Il a conduit l’au­di­teur jus­qu’à la Vol­ga tan­dis que le poé­tique Kudr­jas la regar­dait ; il a ver­sé de la glace dans le cœur de Kaba­ni­cha, la belle-mère sur­pro­tec­trice de Kátya et a bri­sé la déter­mi­na­tion flasque de son fils faible, Tichon ; il a évo­qué la tem­pête qui a invi­té l’é­pouse tor­tu­rée de ce der­nier à cher­cher l’ou­bli. La ten­sion débor­dait dans les brefs épi­sodes orches­traux, chaque phrase ajou­tant au dérou­le­ment de l’his­toire. Du motif obsé­dant de quatre notes – iden­tique au cri de « Silly Fel­low » dans Rejoice in the Lamb de Brit­ten – qui revient dans les moments de dou­leur, aux courtes cadences d’une romance irré­sis­tible, immense mais non réso­lue, qui dépeignent les sen­ti­ments de culpa­bi­li­té de Kátya, c’é­tait un récit magnifique.

Alors que la beau­té vocale plain­tive de Majes­ki était déli­cieu­se­ment angois­sée, son cha­risme était éga­lé par un cas­ting de sou­tien impec­cable. Le trio de ténors de l’o­pé­ra, tous conve­na­ble­ment variés, a livré des per­son­nages cré­dibles : le Tichon aux épaules tom­bantes d’An­drew Staples était remar­quable, tout comme Ladi­slav Elgr dans le rôle de Kudr­jaš, le coup d’op­ti­misme à indice d’oc­tane éle­vé de l’o­pé­ra. Comme Boris, Simon O’Neill avait une matière pre­mière moins riche avec laquelle jouer mais il chan­tait avec style, voire avec abandon.

Mag­da­le­na Kožená a chan­té avec beau­coup d’é­lo­quence dans sa langue mater­nelle dans le rôle de Var­va­ra, la sœur adop­tive de Tichon, tan­dis que l’an­glo-ukrai­nien Pav­lo Hun­ka, un rem­pla­çant tar­dif dans le rôle de Dikoj, a déployé une gamme de cou­leurs sinistres de bary­ton-basse avec une bel­li­gé­rance fine­ment jugée. Cepen­dant, c’est Kata­ri­na Dalay­man dont la carac­té­ri­sa­tion sem­blable à celle du silex a fait le plus d’é­tin­celles. L’an­cienne sopra­no s’est trans­for­mée aujourd’­hui en une mez­zo-sopra­no dra­ma­tique d’une intel­li­gence et d’une puis­sance for­mi­dables, et mal­heur à qui­conque se ferait prendre dans les phares de cette har­pie de Kaba­ni­cha. Kátya n’a jamais eu aucune chance.

Liste des titres

Disque : 1

1 , JW I/8, Act I Scene 1 : Intro­duc­tion – Sir Simon Rat­tle ; Lon­don Sym­pho­ny Orchestra
2 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act I Scene 1 : « Zázrak ! »
3 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act I Scene 1 : « Pri­sel jsi sem lel­ky chytat ? »
4 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act I Scene 1 : « Je bary­na doma ? »
5 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act I Scene 1 : « Co pak je ? »
6 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act I Scene 1 : « A potom bez domu »
7 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act I Scene 1 : Inter­mez­zo I
8 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act I Scene 2 : « Vís co mi napadlo ? »
9 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act I Scene 2 : « Zdráva… »
10 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act I Scene 2 : « Ale nac tobe to vykládám ? »
11 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act I Scene 2 : « Coz pak uz mne nemás rád ? »
12 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act I Scene 2 : « Abych ani otce »

Disque : 2

1 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act II Scene 1 : « Vida, chvás­ta­la jsi se »
2 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act II Scene 1 : « Puj­du téz se projít »
3 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act II Scene 1 : « Nic zvlástní­ho, jenom jsem tro­chu nachmelen »
4 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act II Scene 2 : Introduction
5 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act II Scene 2 : « Niko­ho tu není ! »
6 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act II Scene 2 : « Za vodou, za vodickou »
7 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act II Scene 2 : « Jste to vy, Kate­ri­no Petrovno ? »
8 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act II Scene 2 : « Nuze, sho­dli jste se ? »
9 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act II Scene 2 : « Chod si, dív­ka, do casu »
10 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act III Scene 1 : Intro­duc­tion – « Krápe ! »
11 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act III Scene 1 : « Celé­ho mne to pokropilo »
12 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act III Scene 1 : « Pssst ! Pssst ! Zdá se, ze je to on ! »
13 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act III Scene 1 : « Tu jdou ! Mamin­ka jde s nimi ! »
14 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act III Scene 2 : « Ach Glaso ! »
15 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act III Scene 2 : « Videt se s ním »
16 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act III Scene 2 : « Proc se tak chovají ? »
17 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act III Scene 2 : « Ale smrt neprichází »
18 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act III Scene 2 : « Svedl nás Buh ! »
19 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act III Scene 2 : « Ale ne ! »
20 Katya Kaba­no­va, JW I/8, Act III Scene 2 : « Ptác­ci pri­letí na mohylu »
 

À propos : Fabien

Après avoir travaillé le chant au Centre d'Arts Polyphoniques de Paris, il entre en 1995 au Conservatoire de Gagny où il est l'élève d'Evelyne Razimowsky en classe de Chant et de Jean-Louis Calvani en classe d'Art Lyrique. Il poursuit ensuite son perfectionnement avec Florence Montana au Conservatoire de Vincennes, puis au Conservatoire de Musique de Nouvelle Calédonie.

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